Misandrie d'État, misandrie médiatique : un angle mort du débat public ?

Enquête. Derrière les slogans égalitaires, des acteurs associatifs, juristes et soignants décrivent un faisceau de biais qui, mis bout à bout, pèse sur les hommes les plus vulnérables.

Des institutions aux rédactions, la symétrie des regards reste inachevée.

Un mot qui dérange, un constat qui s'installe

Le terme « misandrie » crispe. Pourtant, sur le terrain, magistrats, travailleurs sociaux, psychologues et pères séparés évoquent des obstacles récurrents : sous-prise en charge des hommes victimes, décrochage scolaire des garçons, surexposition aux métiers dangereux, difficultés à maintenir le lien parental après une séparation. Pris isolément, chaque point se discute ; cumulés, ils dessinent un gradient défavorable. C'est cette agrégation — plus que l'idéologie — qui alimente l'idée d'une « misandrie d'État ».

🔍 Méthodologie de l'enquête

Cette analyse s'appuie sur des entretiens avec des professionnels du terrain (magistrats, travailleurs sociaux, psychologues) et l'examen de données publiques disponibles. L'objectif n'est pas de dresser un réquisitoire, mais d'identifier des biais systémiques qui méritent d'être corrigés.

Institutions : des procédures neutres, des effets asymétriques

Droit de la famille

Dans le droit de la famille, la coparentalité progresse sur le papier, mais l'expérience reste heurtée : procédures longues, décisions de résidence encore inégales, peu de dispositifs pensés pour les pères précaires.

Santé publique

En santé, la prévention cible peu les risques masculins (suicide, addictions, morts au travail) et l'accueil des hommes victimes de violences demeure inégal, entre stéréotypes et manque d'orientation.

Éducation

À l'école, les garçons décrochent davantage, lisent moins et s'orientent plus souvent par défaut.

Justice pénale

Au pénal, plusieurs travaux internationaux suggèrent des écarts de peine à gravité comparable ; en France, le débat est ouvert, faute d'indicateurs consolidés et publics.

⚠️ Précision importante

Ces constats n'impliquent pas une volonté délibérée de discriminer les hommes. Il s'agit plutôt d'effets de système, de biais inconscients et de politiques publiques qui, en se concentrant sur certaines vulnérabilités, en négligent d'autres.

Médias : cadrage, hiérarchie, lexique

L'autre volet — la « misandrie médiatique » — tient aux choix éditoriaux. Les violences masculines, massives et graves, occupent l'agenda. Mais la focale s'élargit moins lorsqu'il s'agit d'hommes victimes, de pères investis ou de statistiques défavorables aux hommes (suicides, sans-abrisme, accidents mortels au travail).

Le langage compte aussi : des expressions globalisantes (« masculinité toxique », « fragilité masculine ») glissent parfois du « certains hommes » à « les hommes », brouillant la lecture des faits. Résultat : une opinion construite sur un inventaire incomplet qui, en retour, justifie des politiques publiques elles-mêmes incomplètes. La boucle est bouclée.

Une opinion construite sur un inventaire incomplet qui, en retour, justifie des politiques publiques elles-mêmes incomplètes. La boucle est bouclée.

Ce que montrent (déjà) les données

Sans opposer les vulnérabilités, plusieurs tendances, robustes dans les pays occidentaux, méritent un suivi public régulier :

📊 Données objectives documentées

  • Les hommes sont sur-représentés dans les suicides, le sans-abrisme et les décès professionnels.
  • Les garçons décrochent davantage à l'école, avec un effet durable sur l'insertion.
  • Après séparation, des pères décrivent des « parcours du combattant » pour maintenir un lien régulier.
  • Les hommes victimes déclarent moins et sont moins orientés vers des dispositifs adaptés.
  • Des écarts de peine à fait comparable sont régulièrement documentés à l'international ; en France, la production statistique demeure lacunaire.

Ces constats n'annulent pas les inégalités subies par les femmes ; ils complètent le tableau et appellent à une politique de symétrie.

Pourquoi cela dure

Trois forces se conjuguent :

  1. L'économie de l'attention favorise le conflit et le spectaculaire, pas la nuance statistique.
  2. Les politiques symboliques privilégient l'affichage à court terme, moins coûteux que des réformes patientes.
  3. L'inertie institutionnelle — habitudes, formations, indicateurs partiels — produit des « effets de système » difficiles à corriger sans pilotage chiffré.

Que faire : dix mesures testables

1. Test d'impact différencié

Test d'impact différencié (sexe, âge, classe sociale) pour toute nouvelle loi « égalité ».

2. Audit indépendant

Audit indépendant des dispositifs existants : qui bénéficie, qui reste au bord, quels effets réels ?

3. Indicateurs publics

Publication annuelle d'indicateurs ventilés (santé, éducation, justice, social), accessibles au public.

4. Parcours victimes inclusif

Formation police-justice-santé à accueillir toutes les victimes, sans stéréotypes.

5. Coparentalité effective

Simplifier, accélérer, sanctionner les entraves au lien ; médiation renforcée.

6. Prévention ciblée

Prévention ciblée sur les risques masculins (suicide, addictions, sécurité au travail).

7. École inclusive

Remédiation lecture pour garçons, mentorat, revalorisation des filières techniques choisies.

8. Chartes rédactionnelles

Symétrie des cadrages, couverture des « angles morts », suivi d'équilibre.

9. Recherche ouverte

Financer des études sur toutes les vulnérabilités, avec données partageables.

10. Gouvernance

Un délégué interministériel à la symétrie des politiques d'égalité, mandaté pour évaluer et corriger.

Ligne de crête éthique

⚖️ Principe fondamental

Défendre ces mesures n'est pas opposer femmes et hommes. Il s'agit de traquer les biais — pas de désigner un sexe comme adversaire. L'égalité réelle suppose d'additionner les lucides, pas de rallumer une guerre des sexes perdue d'avance.

En conclusion

Parler de « misandrie d'État » et de « misandrie médiatique », c'est poser une question de méthode : nos institutions et nos médias regardent-ils tout le réel, avec la même exigence, pour tout le monde ? La réponse se joue moins dans les slogans que dans la preuve et la mesure. Tant que cet effort de symétrie manquera, nous continuerons à fabriquer, de bonne foi, de l'injustice en prétendant la combattre.